Auteur: sénégalais
Date: 15-08-06 12:41 >>> Répondre à ce message
Bonjour, cet article est écrit par une sociologue. Car au Sénégal, se pose la question à savoir si: Dieu serait assez cruel pour nous laisser mourire de soif quand les palmiers de l'oasis sont en vue à l'horizon?
Comment ça va ? Ça va sénégalaisement ! C'est ce qu'on avait l'habitude d'entendre sous le règne d'Abdou Le Taciturne. On le disait avec un petit brin d'ironie ou d'humour feinté, parce qu'encore, on se permettait ou on pouvait compter sur cet optimisme béat de ‘se nourrir d'espoir', en attendant que Dieu veuille bien venir ou que la chance nous tombe dessus. On pouvait espérer et on espérait en ‘Dieu' fébrilement, ou en des ‘lendemains meilleurs', et cela aidait à vivre ou plus précisément à survivre dans cet océan d'absurdités. ‘Se nourrir d'espoir' était l'emblème, le ‘gilet de sauvetage' d'un pays comme le Sénégal et qui en avait un autre le ‘Gaal', la galère, non pas synonyme de galère (misère), mais de pirogue dans laquelle nous étions tous embarqués et qui devait nous forcer à un minimum de solidarité, d'entraide, d'assistance, de complémentarité, sans lesquelles on risquerait tous de sombrer, de couler, de se noyer.
Mais, cette galère (pirogue) est en train de prendre cette image hideuse et répugnante de galère (misère). Face à cette galère, ou dans cette galère (parce qu'on y est), le système D comme débrouillardise est infiniment plus clément, parce qu'avec ce système, on pouvait au moins se démerder et ‘se nourrir d'espoir'. On se nourrit d'espoir, on s'est nourri d'espoir, on se nourrissait d'espoir, mais plus on le faisait, plus l'espoir fuyait.
Alors, certains (les plus nobles, les plus altruistes, les plus généreux) se sont mis à scruter l'horizon d'abord céleste qu'ils ont attendu, convoqué, invoqué sans succès. Puis, ils ont scruté un autre horizon, ils ont vu une lueur qui miroitait sous les eaux de l'océan Atlantique et de la mer Méditerranée. Et ils se sont exclamés, voici le sauveur ! Cette image mirobolante qui scintillait de loin, leur faisait croire que là -bas, c'est l'eldorado, le paradis sur terre. Alors, par tous les moyens, ils ont tenté de rallier cet horizon. Ils se sont inventés des identités en falsifiant, en trichant, en louvoyant, en se rabaissant, en quémandant, en léchant, en se couchant devant les gardiens de ce temple, pour y accéder. Mais, inlassablement, ces gardiens devenaient de plus en plus cruels, et leurs lieux d'origine de plus en plus impitoyables. L'espoir n'y était plus permis, tout y a été confisqué par des rapaces voraces comme pas possible (je pense aux politiciens et à tous les ogres philanthropiques).
La falsification, le mensonge, l'avilissement, la tricherie ne pouvant plus leur permettre de tromper la vigilance de ces gardiens du temple, ne pouvant plus ‘se nourrir d'espoir', les solutions les plus extrêmes allaient voir le jour. Après le ‘train d'atterrissage' des avions qui leur servaient de funestes montures, les voici en train d'emprunter une autre monture, la galère pour fuir cette galère ! Comment ça va ? Ça va sénégalèrement ! Oui, ça va sénégalèrement ! Ou plus précisément, ça s'en va sénégalèrement ! Ironie du sort, le fait d'aller sénégalèrement en Europe a coïncidé avec la venue d'un des gardiens les plus irréductibles de ce temple ‘Occident'. Lui qui croyait pouvoir venir à bout de l'immigration clandestine a dû se résoudre à l'évidence. Jolie gifle en tout cas ! M. Sarko a dû la recevoir en pleine figure, lui avec sa face d'immigré de seconde génération. Cela dit, personne ne peut plus, à l'heure actuelle, disconvenir en tout cas, sur le fait que la galère (misère) est vraiment le symbole, l'emblème du Sénégal. Ça va et ça s'en va sénégalèrement! Alors, à qui la faute ? That's the question !
Quand dans un pays, dans une société comme la nôtre, qui a reçu à lui seul plus d'aide que toutes les afriques réunies, et ce pendant des décennies, il y a lieu de se dire que ce ne serait pas par manque de moyens. Quand un pays comme la Rdc a toutes les richesses du monde concentrées dans son territoire, et est cependant l'un des plus pauvres, ce ne serait pas non plus par manque de moyens. Quand un pays comme Israël a réussi à dompter le désert, à l'apprivoiser, les pays africains désertiques n'ont plus d'excuse d'ordre climatique à mettre en avant. Quand un continent a toutes les potentialités pour vivre convenablement, et que non, il y a lieu de se questionner sur la première des ressources, c'est-à -dire la ressource humaine, le capital humain. Donc, le problème, il est humain fondamentalement, on l'a assez dit. Et une question ne peut pas s'empêcher venir tarauder l'esprit de tout chacun d'entre les Africains ! Comment se fait-il que des êtres humains à part entière, n'arrivent pas à se donner ce qu'ils désirent tant avoir, que d'autres êtres humains (comme eux) auraient, et ce jusqu'à sombrer dans une galère profonde qui les pousse à vouloir s'en aller vers les rivages de ces autres êtres humains ?
On avait connu les ‘boat people' avec cette facette de réfugiés politiques parce que fuyant cette misère qu'on peut qualifier de politique (guerre, génocide, dictature, racisme, etc.), mais les ‘boat people' que l'on a en face maintenant, ce n'est ni plus ni moins que des réfugiés ou des naufragés économiques ou alimentaires. Ils sont, dans une certaine mesure, réfugiés ou naufragés politiques, parce que des politiciens véreux de leurs pays se sont accaparés de tout et se transformeraient volontiers en ogres philanthropiques pour toujours s'enrichir. Le sociologue Malick Ndiaye a raison à juste titre de considérer que nous évoluons dans une ‘société d'accaparement'. C'est dire donc que le problème doit être foncièrement humain. On pourrait penser que ce serait un truisme que de le dire, mais compte tenu du fait que des êtres humains se sont ‘développés', et que d'autres aspirent à ce ‘développement' sans succès, il y a lieu de redire haut et fort ce ‘truisme' sans œillères, parce que sinon, on croirait que cela pourrait être autres choses.
Si tout développement devrait être humain, tout développement repose sur l'humain, le reste n'est que supputation. De ce fait, on pourrait en inférer que ce facteur humain, non pas dans son sens moral, mais dans son sens socioculturel, est le moteur ou le frein à toute forme de développement ou de sous-développement. Ainsi, devrions-nous miser dans l'éducation des enfants (pédagogie), mais aussi et surtout dans celle des adultes (andragogie) en se dotant d'un système d'éducation fonctionnelle (aux sens de fonction, d'attente, de profil, d'objectif, de contexte). C'est ce qu'on pourrait appeler autrement la formation continue des enfants, des jeunes, des jeunes-adultes, des adultes. Mais, formation continue sans emploi continu (Cdi ou Cdd renouvelé) ne résorbera rien. Les sociétés actuelles ont cette caractéristique que ce qui définit l'être humain en premier, c'est l'emploi qu'il a ou qu'il n'a pas. L'emploi socialise les individus, et sans emploi, on aura l'impression de vivre sans exister. Et c'est à la recherche de cet emploi que des individus se voient contraints d'user de tous les moyens, y compris celui de l'émigration clandestine ou non à bord de galères, pour sortir de cette galère existentielle dans laquelle ils sont confinés depuis le sénégalaisement jusqu'au sénégalèrement de l'ère d'Abdoulaye Le Hâbleur. Ainsi, la politique de l'emploi, pas simplement des jeunes, mais aussi des jeunes-adultes et des adultes, doit être l'affaire de tous.
Mais, ces emplois ne doivent pas être des emplois kleenex, mais des emplois durables et décents qui redonnent dignité à tous ces chômeurs qui en ont perdu devant ce regard culpabilisateur, accusateur, ou en toute objectivité, déterminant de la société. Et comment créer ces emplois ? Il faut se rendre à l'évidence que chaque société a ses types d'emploi. Et si on a découvert le type d'emploi qui correspond le mieux à la société actuelle, il faut concentrer toutes les forces des politiques économique, sociale, politique vers cette direction. Amener ainsi, les structures d'éducation, de formation, d'enseignement vers ces objectifs tout en ayant à l'esprit que l'emploi et le travail auront toujours des facettes différentes dans des époques différentes.
Il semble qu'actuellement, le secteur tertiaire a le vent en poupe, alors il faut miser beaucoup sur ce secteur au lieu de vouloir maintenir sous perfusion un secteur primaire et un système d'enseignement archaïque qui n'ont plus besoin de toute cette attention. D'autant que ce secteur primaire (on l'a vu ailleurs) peut se concentrer entre les mains d'une petite minorité, il suffirait de l'intensifier. Il est vrai que la grande majorité des Sénégalais est non solarisée, mais cette grande majorité ne s'active que peu (pendant trois mois) dans ce secteur primaire, et s'active beaucoup dans le secteur tertiaire-informel, le reste du temps. Alors, finissons-en avec ces faux problèmes d'analphabétisme et d'informel, et de vouloir coûte que coûte rétablir le secteur primaire, pour se rendre compte que le monde du travail se renouvelle et s'active ; et que donc il faudrait accompagner et encadrer ces changements. Aidons cette mutation du travail et de l'emploi à s'instaurer et à se consolider, ainsi trouverait-on une très grande part des solutions devant ce déshonorant problème de galères sous toutes ses formes. Sénégalèrement.
Voici l'homme qui a su s'entourer d'hommes plus intelligents que lui.
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